Condemned Review
Agence France-Presse
June 29, 2000

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Lettres du couloir de la mort - Sing Sing - USA
Par Michel MOUTOT

HUDSON (Etats-Unis), 29 juin (AFP) - "Nous attendons le bourreau avec courage et confiance, sans jamais perdre la foi", écrivaient, quelques heures avant la chaise électrique, les époux Rosenberg, dans leurs dernières lettres.

    Ces lettres d'Ethel et Julius Rosenberg, exécutés à Sing Sing pour espionnage en faveur de l'URSS le 19 juin 1953, sont parmi les plus émouvantes d'une extraordinaire exposition d'archives du couloir de la mort organisée jusqu'au 16 juillet dans une galerie d'avant-garde à Hudson à 220 km au nord de New York.

    Scott Christianson, ancien haut-fonctionnaire de l'administration pénitenciaire de l'Etat de New York, a obtenu pour la première fois, en faisant jouer la loi sur la liberté d'accès aux documents administratifs, les dossiers confidentiels de certains des 606 hommes et huit femmes mis à mort à Sing Sing de 1891 à 1963.

   Lettres, photos anthropométriques, rapports, expertises, courriers officiels, recours en grâce, menus des derniers repas: les documents, qui ont donné matière au livre "Condamnés - A l'Intérieur du couloir de la mort de Sing Sing" (NYU press éditeur), dépeignent un univers carcéral qui, selon M. Christianson, "a établi", à partir de la fin du XIXème, "l'archétype des exécutions dans le pays".

    "Mes tendres chéris, mes si précieux enfants", écrit Julie Rosenberg dans sa dernière lettre. "D'abord, bien sûr, vous pleurerez notre mort, mais vous ne serez pas les seuls. C'est notre consolation et devrait être la vôtre. Ensuite, vous devez vous persuader que la vie vaut d'être vécue. Soyez réconfortés en sachant que même maintenant, avec la fin de la nôtre approchant, nous en sommes persuadés avec une conviction qui met en échec le bourreau !"

   Frank Newman, exécuté en 1956 pour le meurtre de sa femme, écrit à ses fils au dernières heures de sa vie. "Cher Junior, Cher Warren. Il m'est si difficile de trouver les mots pour décrire ma tristesse pour vous, mes garçons (...) J'aimais votre mère. Je prie Dieu de me pardonner et de permettre à mes garçons d'adoucir la terrible haine que vous me portez. Love. Dad".

   "Chère Mère", écrit Ivory Mason, électrocuté en 1960 pour meurtre, "ne t'occupes pas d'enterrer mon corps. Laisse cela à l'Etat. Tu n'es pas venue me voir. Je te pardonne... Je comprends. C'est ma dernière lettre. Au revoir. Ton fils".

   Leonard Salemi, mis à mort en 1957, écrit à un ami: "Pardon pour tous ces chagrins et ces larmes. Essaie de te souvenir des années heureuses... Et maintenant, il est temps d'y aller. Non, pas de pleurs. Qu'un grand sourire me serve de guide".

   Mais, dans les cartons de Sing Sing stockés dans les archives de l'Etat à Albany, figurent aussi d'étranges requêtes reçues par l'administration.

   Un télégramme signé "Mary Bell Herchenroeder - Hollywood:

"EN TANT QU'AMERICAINE, PUIS-JE AVOIR LE PRIVILEGE D'ACTIONNER L'INTERRUPTEUR POUR JULIUS ET ETHEL ROSENBERG. PRENDRAI MES FRAIS EN CHARGE. REPONSE IMMEDIATE S'IL VOUS PLAIT".

    Dans une lettre à en-tête de leur société, "Victory Exterminators", trois citoyens, demandent "à être témoins d'exécutions prévues autour du 12 juillet 1947".

    Dans le dossier Rosenberg figure aussi le rapport technique du bourreau: Julius est mort en 45 secondes, après qu'un courant de 8 ampères lui soit passé dans le corps. Pour Ethel, 4,5 ampères ont suffi, mais pendant 2,5 minutes.

    "J'ai voulu laisser ces documents parler d'eux-mêmes, pour présenter l'ensemble du tableau, sans contrôle, me disant que cela pourrait ouvrir quelques yeux", explique Scott Christianson, qui a démissionné de l'administration en 1995 parce qu'il était opposé à la ré-imposition dans l'Etat de New York de la peine capitale.

    "En tant que professionnel, je sais que la peine de mort n'est qu'une question politique, sans aucun rapport avec le niveau de criminalité. Maintenant que New York l'a ré-introduite, sa réalité, comme elle a existé, devrait être prise en compte".

    Cinq hommes attendent aujourd'hui dans le couloir de la mort à Danemora, près de la frontière canadienne. Aucune exécution n'a eu lieu dans l'Etat de New York depuis 1995.

mm/nas/rf

 

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